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A 13h30, une trentaine d'hurluberlus lèvent le camp pour mener l'action principale du jour. Ils n'étaient pas seulement motivés par les viennoiseries que Pierre avait ramenées, mais parce que ce projet était dote d'une charge symbolique particulière.
Attendant a l'arrêt de bus avec la petite troupe, j'ai eu l'insigne honneur de me voir propose par Stephane de gagner la gare d'Epinay-Villetaneuse dans sa voiture. Enfin ce n'est pas que sa voiture soit spécialement agréable, une Ford Fiesta hors d'usage, qui sent la fraise tagada et recèle bien plus de flyers pour des fêtes que des tracts militants. Stephane est un mec bien, la nuit il bosse au samu social et la journée il anime les AG, les cortèges. Je me demande quand il dort ce gars la. Proposant une nouvelle approche de la conduite, il téléphone pour organiser son train pour Lyon ou il participera demain a la coordination nationale des étudiants.
Nous nous sommes rendus a l'entreprise qui sous-traite pour P13 le nettoyage des locaux. Ça faisait plusieurs semaines que sur la liste de diffusion j'avais vu des mails racontant par le menu les pratiques manageriales nauséabondes de cette boite. Quelle aubaine de « se faire » cette PME digne de Zola dans le cadre du mouvement anti-CPE-CNE-LEC.
En chemin, nous croisons dans le métro un barrage de contrôleurs. Vite, les slogans, les badges, nous n'avons pas de titres de transport. Les contrôleurs laissent passer. Au passage un des nôtres chante « plutôt chômeur que contrôleur » qui ne rencontre pas une forte adhésion chez les autres.
Arrivés au lieu dit, rue de Crimee dans le 19ème, XXX et quelques autres du groupe dont les mines sont notoirement angéliques partent en éclaireur pour parvenir a ouvrir le portail. Ça marche ! Tout le reste de la troupe fonce les rejoindre et investissent le bâtiment.
Le reste est romanesque ; nous clamons « la vraie saleté, c'est la précarité », « le ménage, pas l'esclavage », ce qui fait sortir aussitôt les responsables de la sécurité. Très vite on sent qu'ils ne nous ferons de problème. L'un d'eux me dira plus tard qu'ils en ont marre de jouer les flics pour cette boite de nettoyage, tant ils sont dégoûtés eux-mêmes par la façon dont ils châtient leurs employés.
Un cadre se présente, véhément, demandant a Stéphane de faire cesser le chahut. Il tutoie Stéphane d'emblée. Stéphane lui demande aussitôt de le vouvoyer, de le respecter, ce qu'il a du mal a entendre.
Et puis le DG de la boite finit par se présenter. La commencent les palabres, Françoise lui répond point par point sur son intournable légèreté vis-a-vis du code du travail (les femmes et hommes de ménage sont particulièrement mal traites, je vous renvoie pour plus de détails aux mails envoyés précédemment sur la liste de diff).
Moi, un peu a l'écart, je peux entendre les cadres parlaient au DG ressortis dans la cour pour se concerter avec eux. Parlant de Stéphane, jugeant son keffieh, il dit « laisse, c'est un gauchiste, Mai 68, je sais comment leur parler ». Quand les patrons s'apercevront-ils que la société française n'est pas ou plus ce qu'ils croient qu'elle est ?
Je quitte l'action encours, je dois aller cherche ma fille a l'autre bout de Paris ; Dans le métro, je me demande comment la présidence de P13 a bien pu s'acoquiner avec une telle entreprise.
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